dimanche 24 septembre 2017

Accouchement, les Lilas, 1972

Lettre à une amie, Flo Marandet, qui a eu elle aussi un accouchement qu'on dit hors norme qu'elle a eu le courage inégalé de relater presque in live ! et qui parle de baby blues... Voici la même chose ... mais 40 ans après. 

Baby blues ? Je ne sais pas ms cette déprime est normale me semble-t-il ! Tu en as bavé plus que de raison, ms c'est si fréquent. Je m'aperçois en te lisant combien malgré tout j'ai eu de la chance, et je dis bien ''malgré tout'' car je ne pensais sincèrement pas qu'il puisse avoir pire (sauf à mourir). 2 jours et 3 nuits de ''travail'' comme on dit joliement cad de douleurs horribles de pires en pires, pour rien ou quasiment  (inefficaces kondit) donc à ne pas pouvoir dormir même si à la fin je m'endormais pour quelques minutes... pas de médecin aux Lilas, normal l'accouchement c'est NA TU REL  voyons voyons... et le finale, éclampsie, de ça je ne me souviens pas, ''partie'' donc complètement, yeux révulsés et coeur qui flanchait .. et enfin les hurlements de R. (je tenais raide en arc de cercle sur les talons et la nuque) ''elle est morte,  bande de salauds'' (oui, R., toujours si mesuré et cool ) enfin on s'intéresse à moi, la sage femme qui me fait je ne sais quoi, (piqûre d'ocitocyne je crois, désolée je ne sais pas l'écrire), douleur atroce et constante ce coup ci R. (qui a enfin compris que c'était l'horreur, car le ppe de l'accouchement dit ss douleur étant qu'on ne peut pas crier puisqu'on ns fait respirer à toute allure, CE QUI À MON SENS EST MAUVAIS les gens ne se rendent pas compte ... si bien qu'au milieu d'une contraction, -il mangeait du raisin - il s'est approché de moi, suave et m'a dit gentiment ''tu as mal?'' J'ai cru le massacrer) R donc est décomposé,  j'entends la sage femme, Nafia (car tout le monde ici s'appelle par son prénom comme ds un salon de coiffure, c'est une maternité de gôôôche pilote de l'accouchement sans douleur et sans violence.. non non je ne ris pas ! ) dire après avoir posé son stéthoscope sur mon ventre ''le coeur tient mais ...'' ss que je sache quel coeur, le mien ou celui du bébé.. et de M'ENGUEULER  OUI, ''poussez mais poussez, il y va de la vie de votre bébé,  vous avez compris !  Pous sez !'' hurle-t-elle. Apres le laxisme hautain de ces 3 jours  où je suppliais qu'on fasse 'quelque chose '  (mais oui vous êtes épuisée, c'est normal, respirez voyons, allons allons '') c'est l'affolement, tout aussi démesuré que leur désinvolture passée Je ne le peux plus pousser.  Fi ni. Je pars. Ils ont trop attendu, trop joué avec la ''nature'' (c'est NA TU REL bandes de fils de p)...  (PRÉCISION, j'ai'comme on dit'une rupture prématurée des membranes depuis le DÉBUT -maintenant on provoque ou césarise au bout de ? qqes heures en raison des risques d'infection alors que là, depuis 3 jours je me balade ds les couloirs, dehors, le temps est superbe en ce 13 septembre 72, m'assied sur des chaises, sur des bancs publics etc... et bien sûr je n'ai vu aucun médecin, c'est na tu rel vous disje-) ... Je l'entends dire  'tant pis' (genre 'il faut le sortir tt de suite' ) et c'est la dernière  contraction, phénoménale celle là,  sa saloperie de produit a bien agi, où ai-je  trouvé la force impensable de pousser à fond ? ms j'ai 24 ans, en bonne santé,  robuste +++ (R me dira qu'il a peur, encore plus, je deviens écarlate, mes veines saillent.. et à nouveau mes yeux se révulsent) ? Nafia à mis ses ''ciseaux'... Sans doute, malgré ses engueulades, ne pensait-elle pas que je le ferai ? Que j'aurais cette force inouïe de dernière minute ? bref nos 2 mvt se rejoignent malencontreusement et Maï-linh sort quasiment en fusée, je n'ai le temps de rien comprendre, ses cris résonnent partout ds lacsalle, avant même je crois, R confirme, qu'elle ne soit complètement sortie. Je vois une jeune femme dont je n'ai jamais oublié le visage bouleversé durant tout ce finale pleurer de soulagement puis se retourner afin de ne pas être vue. D'autres idem. Et discretos il y en a une qui a fait un signe de croix et remercie. On me la met sur le ventre, elle a l'air d'être tombée ds un pot de chantilly, mais, et c'est extraordinaire, elle est très belle, pas déformée, chevelure de noir soyeux. Et la sage femme de tendre les ciseaux à R. qui est le héros du jour (!) '' tenez Monsieur, vous l'avez bien mérité'' ... passons.  Qu'est-ce qu'elles peuvent être connes parfois... Elles l'amènent pour vérif, personne ne se soucie de moi, bof, normal, c'est fini. Et j'entends R triomphant dire de la porte  ''Apgar 10'''! Oui, un miracle. Et je m'endors seule, doucement... le placenta est venu quasiment avec le bébé, intact, je suis bien, plus de douleur....
Oui mais en réalité je suis plus ou moins en train de mourir d'exanguination. Je me sens flotter, je mets ma main sous moi, je baigne ds un liquide visqueux, chaud et doux.. elle ressort toute  rouge, c'est du sang... j'hésite à appeler... fatiguée,  et puis finalement, une mort très douce... Et enfin je me décide. C'est R qui survient et qui alerte. Alors ... je ne me souviens plus trop,  ça s'embrouille un peu.
Mon souvenir reprend au mt où le chirurgien arrive (auparavant on m'a fait une piqûre de je ne sais quoi pour arrêter). J'ai qd m eu le temps de mettre Mai Linh au sein... ce qui l'a calmée immédiatement puis on me l'a prise et elle a hurlé de rage aussitôt, je saurai par la suite que dans l'affolement (je comprendrai pourquoi après) ils ou plutôt elles car il n'y a aucun mec ont branché la couveuse sur 40 degrés  .. ce qui peut expliquer sa colère, c'est R. QUI L'A VU ET A ALERTÉ, ce jour là, ce frêle libanais un peu ailleurs a donc sauvé la vie de 2 personnes...
La star arrive enfin, c'est le beau Fonty, le chirurgien des séries télé, il fume (ds la salle d'op) et voilà ... c'est l'aveu. J'ai un ''périnée complet'' avoue-t-il... qu'est-ce à dire ? Les ciseaux ont glissé sous ma poussée et... bref, je suis déchirée jusqu'à l'anus. (Ça ne fait pas mal sur le coup.) Il me rassure, il est un as de la couture, il voulait être couturer qd il était gosse,  ça sera parfait ... Il mettra 3 heures à me recoudre, posément, IMPECCABLE, mais à la fin il n'y avait plus de fils résorblables à la maternité et il a dû en utiliser d'autres (je les ai encore, sans intérêt, ça ne me gêne en rien et d'autre part cet endroit de ma personne est assez peu visité).. A un mt, R lui demandera 'combien de points avez vous fait ?' et il hausera les sourcils, ahuri  ''si vous croyez que j'ai compté !" R insistera, c'est un matheux, un précis et Fonty répondra, agacé : ''Je ne sais pas ... 100 ? 150 ?''
Je demeurerais ss devoir ni pouvoir chier 10 jours, (on m'appelle 'la dame sans résidus') puis enlèvement des machins, huile de ricin, là il fallait y aller, mou et souple, la trouille... et ça a passé. Puis anesthésie générale et hop on enlève tout. Voilà voilà...
 Passons sur les cris de l'aide soignante gentille mais conne lorsqu'elle a découvert le truc pour la toilette...  Fonty s'était ingénié  à me remonter le moral, efficacement ('il y a des trucs comme le vôtre qui cicatrisent ss pb ni séquelles et des episio minuscules qui bloquent les glandes de Bartholin, ça ne veut rien dire, l'importance, m si c'est impressionnant'. .. il avait raison,  je l'ai vérifié ensuite). Elle se met à appeler ça collègue : ''MARIEEEE, VIENS VOIR ÇA ! Excusez moi mais je n'avais jamais vu ça en 20 ans..'' bref, ça met le moral. Et sur les injonctions comiques d'une autre  qui venait de laver le sol du couloir (ma chambre était à l'autre bout des chiottes alors qu'on m'avait dit qu'il ne fallait pas retenir, surtout pas .... ) ""vous pouvez pas attendre que ce soit sec ? '' ... Non... ''Bon,  tant pis'. .. puis chose faite, (alléluia j'ai pu, je suis redevenue comme tout le monde) ''maintenant vous pouvez attendre!'' ... Non !... ''Oh ben flûte alors...'' car je devais immédiatement me laver avec un truc exprès. Pb, ds la chambre à 3 où nous étions,  il n'y avait pas de séparation avec les lavabos donc... passons. Il fallait faire sortir les visiteurs et opérer devant ces dames récemment accouchées comme moi qui faisaient semblant de se plonger ds un magazine pdt les opérations, pour moi assez complexes. Allaitement aucun pb, Mai Linh pompait toutes les 3 heures réglée comme une partition et elle le fit durant 3 mois  (12 h, 3 h, 6 ,9, 12 ,3 6 etc... ) et grossissait super. Ah j'oubliais un détail : évidemment nous étions infectées -un proteus- toutes les deux, d'où antibiotiques costauds 12 jours et obligation de rester à la clinique... pas de séquelles pour aucun de ces aléas, un miracle là aussi. Il faisait un temps superbe, j'avais obtenu de pouvoir me doucher ... ds une pièce qui était certes toute proche de ma chambre ms qui servait de placard à balais et seaux pour les femmes de ménage,  impossible de fermer à clef bien sûr, si bien qu'au milieu d'une douche, la porte s'est ouverte en grand : 'excusez moi. J'ai besoin de mon chariot" .. et soudain, la dame de m'observer et apprécier A VOIX HAUTE PORTE OUVERTE ''ben vous alors zetes drôlement bien foutue, on croirait pas que vous venez d'accoucher'' ,,, donc intimité moyen, mais sympa qd m.... )  J'allais me promener au marché des Lilas, j'avais juste 2 h devant moi ms Lydie était là. ... et se montrait déjà l'excellente grand mère qu'elle fut toujours.
C'est en te lisant que je mesure malgré tout ma chance. Aucune séquelles. Baby blues ? Non, folle de joie que ce soit enfin fini et d'émerveillement devant ma petite, le plus beau bébé qu'il me fut donné de voir. Non, pas de blues malgré la pauvre femme en face de moi qui avait des crevasses à faire peur, et me serinait : ''vous verrez, maintenant ce ne sera plus pareil ni avec votre mari, ni avec vos amis, ô oui ils viennent encore, là, mais après, fini, plus personne et plus de sorties enfin c'est comme ça la vie...''

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